Sur les rails

Tableau de Guy Pommat

Sous le poids de mon fardeau je chute. Il ne faut pas jouer au équilibriste sur les traverses de chemin de fer. Maintenant mon horizon se situe entre les deux lignes fuyantes et rouillées des rails.

Je suis parti un matin sans me retourner. J’ai parcouru un long trajet sur la terre comme dans ma tête. J’ai vécu de ce que le hasard me jetait en travers du chemin. J’ai fait le tri de mes priorités, choisir entre mes faux devoirs, mes vrais besoins… parcourir pour mieux revenir. Ou juste pour partir.

J’ai eu chaud cet après-midi. Mes réserves diminues, une averse serait la bienvenue.Maintenant que je suis là, à la renverse, je me demande si je dois me relever. La vie est belle parce qu’ éphémère, la mienne doit bien s’arrêter quelque part. Et c’est un beau ciel du soir.

La lumière diminue, je me demande si les trains de nuit ont encore le droit d’exister. Ce ciel qui fonce. Pourtant il n’est pas si tard, c’est l’orage qui monte ? Il gronde au loin.

Ou alors c’est un train ? Un train du soir.

Entre les traverses, les fragiles coquelicots vont se refermer pour protéger leur pollen des grosses gouttes de pluie ; ils se rouvriront au retour du bleu du ciel. Mais pas demain, demain ils seront fanés pour laisser la place à d’autres tâches rouges plus graciles. Du rouge organique au-dessus du chemin mécanique.

Une éphémère traverse mon champ de vision. Petit éclair gris sur le ciel doré du soir. Drôle d’insecte qui passe sa vie à l’état de larve pour une journée de vol… même pour un jour, ce bel envol, vaut bien une morne vie.

Allez, je me décide. Je me redresse, pour ne pas finir dans le gris du basalte. Et avec un peu de volonté, dans l’espoir du soir d’après, je repars sur la traverse du chemin de fer. A mon allure j’aurai traversé la voie avant l’arrivée de la pluie. Je vais continuer ma petite vie aventureuse, à ma hauteur d’Escargot.