Ce petit voyage, m’a fait oublier Alex. Il attend la suite de l’histoire bien sagement assis sur le bras du fauteuil juste à côté de moi. Son chat baveux en équilibre de sphinx sur une de ses cuisses émet un roulement de tambour malade. Alex ose appeler ça un ronronnement, mais c’est juste la preuve que cette bestiole est un alien. Un chat qui se nourrit de boite de maïs et de reste de pizza tout en gardant ses longs poils doux et soyeux ne peut pas être d’origine terrienne. J’ai beau expliquer ce fait à Alex, il s’entête à trimbaler cette bestiole de colocation en colocation, en assurant que c’est juste un chat… Moi je sais bien qu’il va tous nous bouffer une nuit de pleine lune.
« Bon tu craches le morceau ? » Je crache le morceau, sans préciser que le gorille à fondu en ouistiti. Mais je n’avais pas besoin de préciser. « Ah, c’est elle la cause de la petite déprime printanière… je me doutais bien qu’il y avait fille sous roche !!! »
Il regarde la carte sous toutes les coutures. « Apparemment elle est folle à lier mais au moins, elle pense toujours à toi. » Elle pense toujours à moi ? Il faut que je prenne l’air, cette pièce manque vraiment d’oxygène. Putain de chat.
Toute la nuit, ses deux rubis ont flamboyé au-dessus de mon cerveau incendié.
J’ai pris ma décision ce matin, après une nuit dans les bras d’Hadès. Elle me rend dingo, il faut que je la retrouve. Les coudes sur la tables de la cuisine, je rassemble des bribes de mon esprit. Alex me sert un truc noir et fort qu’il appelle café. C’est comme pour le ronron du chat, nous n’avons pas les mêmes références.
–Tu veux me tuer avec ton truc de vieille mama italienne , regarde ma cuillère fond tellement il est fort !
-Bon t’as pas dormis du week-end, je veux juste t’aider à te faire redescendre de ton nuage
-C’est pas un nuage, c’est l’enfer… fais pas suer.
-Dis, elle répond à quelle question quand elle dit » Oui » ?
-heu… Je crois que je l’ai demandé en mariage…
Putain le café doit contenir un sérum de vérité, en temps normal j’aurais tu ce détail même sous la torture de deux filles sado-maso. Ma réponse remplace les yeux d’Alex par des puits de navritude. Et ne me dites-pas que cet épithète n’existe pas !
Il me tend un papier chiffonné. « tiens beau brun, puisqu’elle veut jouer, commence par appeler Mimi. Si elle était à cette fête, elle a bien du y être invité non ? « Je n’ose pas lui dire merci.
La tasse de café à moitié pleine, je compose le numéro à peine lisible. À la première sonnerie j’engloutis l’autre moitié de la tasse et je me brûle le gosier, le gésier et la caillette. Pas le temps de hurler, Mimi décroche par son éternel « oui? Allo, oui !». Elle vraiment haut perchée celle-là.
Il a fallu que je lâche pas mal d’éléments compromettants avant qu’elle consente à me donner une info valable. Je note en écriture automatique : Calais, hôtel Bel azur, Place d’armes et surtout un prénom : Eulalie.
Eulalie, Eulalie, Eulalie…